dimanche 29 janvier 2012

Etre





La lumière ne vient que de la nuit; la clairière ne se trouve qu'au coeur de la forêt. L'être vient du non-être.


Etre.


Ce n'est certainement pas s'inscrire au registre des consommateurs qui éprouvent leur seule liberté au choix de la marque de lessive ou de bière ou de voiture; être ce n'est pas non plus se faire croire que l'on existe parce que l'on va voter pour un type qui, quoiqu'il en soit, n'en a que faire de nos misères ou de nos joies.

Ce n'est pas non plus laisser d'autres nous imposer leur loi au nom d'une quelconque métaphysique (toujours fondée sur un "mystère") ou d'une quelconque vérité infuse et seule vraie parmis toutes les vraies.


Etre c'est lacer ses chaussures fermement pour affronter la journée; être c'est saisir la main tendue ou dire le mot qui va donner au jour sa joie; être c'est regarder la nuit sans voile et voir que notre regard est unique dans l'eternité de l'avant et de l'aprés.


Etre c'est avoir conscience du sang qui coule dans les veines et gouter, à l'instant, le plaisir qui s'invite mais aussi ne pas fermer les yeux face à la douleur bien présente.


Là où il y a de la conscience de l'être il peut être un humain.


Est, celui qui est à lui-même sa propre mesure. Est, celui qui apprend à se servir d'une boussole plutôt que de regarder le chemin qu'indique les panneaux ou les itinéraires balisés. Est, celui qui cherche à comprendre d'où il vient et où il va.


Etre, c'est se rendre compte que l'on regarde peut être trop loin de soi; comprendre qu'il n'y a pas de secret. "Je cherche et je respire", il y a là de quoi faire.


Pour les autres, je ne sais pas.





vendredi 20 janvier 2012

Vie



Ce ne sont ni les agences de notation ni les politiciens qui courrent derrière la place de choix; ce ne sont pas non plus les argumentaires à deux balles des sociologues qui croient que la vérité est dans les poubelles ou dans les sondages; ni la vue des illusionnistes de fins dernières (peut-être n'y-a-t-il pas de fin ou peut-être y-a-t-il une fin aprés la fin ?) et encore moins celle des parasiteurs dont la voix ne tient qu'à l'energie des centrales electriques.


La Vie c'est la douleur de l'enfantement, la souffrance dans le froid du chantier ou celui des champs de bataille; la Vie c'est le rire des enfants qui s'arrosent avec l'eau glacée du puit, celui des jeunes gens qui se moquent des leçons des anciens. La Vie c'est le regard grave du père devant l'ouvrage, les yeux fatigués de la mère à la dernière lueur du jour. La Vie c'est le sourire de celui qui revient de loin ou de celui qui en a vu de dures.


La Vie c'est un outil d'acier qui résonne dans un matin glacial au coeur d'une vallée endormie, un cri d'enfant, un rire de jeune fille.


La Vie c'est la puissance des hommes qui construisent une maison et la délicatesse d'une femme qui pose un bouquet sur la table.


La Vie c'est ce que l'on nous prend chaque jour au nom d'une idée, au nom d'une foi, au nom d'une technique.


Un soleil se lève sur un chantier, une pluie tombe sur un champ, un homme peut faire vivre les siens une journée de plus. Lieben heisst Leben.


Demain toutes les centrales peuvent s'arrêter: il y aura encore la Vie pour ceux qui vivent.


lundi 16 janvier 2012

L'esprit et la chair



Il est si facile de juger selon la chair ou selon l'esprit. Mais que sait-on ? Que sait-on des blessures qui lentement vident le corps et l'âme de leur substance ? Que sait-on des joies et des peines ? Que sait-on des efforts et des paresses ? Que sait-on des vérités et des mensonges ?


Certains en col romain ou djelabba ou kippa se posent en juge au nom d'un dieu. Mais quel dieu est-il assez mesquin pour se preoccuper des affaires des hommes ? Des petits jeunes hommes exposent en chaire des jugements sur ceux qui en dessous écoutent. Des hommes et des femmes qui portent des vies entières, du labeur, des douleurs, des jouissances et des exhubérances. Que savent-ils ces jeunes gens à qui du nez coule encore le lait de leur nourrice ? Rien. Pas une once de savoir profond sur le réel de la vie de hommes.


Les vikings n'ont pas compris la christianisation parce qu'ils n'avaient pas de prêtres.


Aujourd'hui d'autres prêtres, mais toujours pour un pouvoir, nous sermonent sur la crise et les danger du populisme.


Que savent-ils des souffrances et des joies de ceux qui se lèvent avant le jour pour faire avancer la machine ?


Je suis comme un viking. Je ne comprend pas les prêtres. Ou plus exactement je comprend trés bien où ils veulent en venir; et je n'admet pas qu'ils viennent se pavanner en costume croisé ou en tout autre tenue de leur apparat sous les fenêtres de ce qui me reste de vie.


Mon esprit et ma chair sont à moi; ils viennent d'un temps bien plus ancien que celui du règne des prêtres, qu'ils portent croix, croissant, étoile, rose, bonnet phrigien ou autre.


Ce matin la glace était au rendez vous de la chair et de l'esprit. Il y avait un dieu qui souriait dans le pâle soleil d'hiver. J'etais le "prêtre" de mon ôde à la vie: les mains qui oeuvrent pour que demain soit meilleur qu'hier.


Mes outils sont tranchants. Bien davantage que les mots de ceux qui pontifient de leur bureau bien chauffé.


Mes mains sont douces au soir tombé, bien plus douce que tous les mots exhumés de livres poussiéreux.


Mon esprit est vivant, bien davantage que celui de ceux qui construisent les barreaux de nos modernes prisons.


"Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

Ami entends-tu le cri sourd du pays qu'on enchaîne ?


Je l'entend, avec mon esprit et ma chair. Widerstand.

mardi 3 janvier 2012

Widerstand



A tous ceux qui resistent en ce monde,

A tous ceux qui sont la "Widerstand",

Aux drapeaux noirs et rouges,

Aux sans drapeau qui ont encore un regard humain,

A ceux qui sont comme le vent et que rien n'arrête:


Bonne année de combat.


Qu'il soit celui de " la boxe de l'ombre", celui du soleil en face ou celui des rêves de longues mémoires.

Rêve





J'ai courru longuement pour echapper aux ombres; maintenant je marche pour reprendre souffle.



Il y a une allée un peu plus loin et un petit pont qui enjambe d'une seule foulée une rivière nonchalante.



Le long de l'allée, arbres jeunes et vieux et champs de blé en épis sous un vent leger.





Je laisse un regard sur un étrange monument de bois tout en cercles et en croix. La maison immense est un peu plus loin. Une lourde porte qui rougeoie encore de cette ancienne couleur sang de boeuf.



Elle s'ouvre sans bruit.





Un escalier d'apparat. J'imagine la caresse des taffetas sur des jambes nues et j'entends les pas qui virevoltent au quart-tournant monumental.



Je ne me cache pas. Il n'y a personne mais pourtant une présence m'accompagne.



Long couloir avec, au nord, ses fenêtres en archère où la lumière de ce midi ne laisse poindre que la clarté et non la châleur.



Je pousse une porte. Chambre. Immense. Juste un lit et un chevet et sous la fenêtre, au sud, que les contrevents tamisent, une table et un siège d'écriture.




Elle dort. Comme à son habitude sans doute à cette heure du jour sous ces latitudes. Lovée comme la délicatesse au creux de ses voiles legers.



Je m'approche, je respire son parfum. Son visage repose d'une quiétude lointaine.



Je n'en veux ni à son âme ni à son corps.



Je me retire en silence. Dehors le soleil a fait place à de sombres nuées.



J'osculte le ciel. Il me faut déjà reprendre ma course. Les poètes sont maudits.