lundi 7 septembre 2009

Phantasme

La chair et l'ombre.
L'esprit dessine ce que le regard ignore. Le désir, la tentation, la gourmandise, le goût, les parfums et le soyeux, la pulpe et la courbe esquissée sous le voile.

L'érotique de la fleur de peau que le monde pudibond, puis soi-disant libéré, a réduit aux ersatz de la pornographie est cette caresse douce du vent ou celle d'un pétale qui donne à la finesse d'un geste toute une palette de saveurs complexes. Comme celles d'un vin puissant mais pourtant si chargé d'arôme qu'il faut pour le goûter vraiment toute la patience d'un gourmet et toute la vigueur d'une vitalité bien charpentée. L'ivresse sera bien là mais elle sera celle des saveurs. Du phantasme vécu en toute conscience au rut des automatismes de nos quotidiens carcéraux, il y a toute la distance qui sépare la chair offerte de la chair prise.
Les petits marquis se pâment et les goinffres s'étouffent.
L'équilibre est ici, tout aussi bien qu'ailleurs, la source du plaisir.
Combien d'hommes et de femmes le savent-ils ? La beauté et la joie vont ensemble lorsque le goût de la chair et celui des images se conjuguent; lorsque l'immédiat et le toujours se trouvent sur la même clef d'harmonie.
L'image n'est qu'une image, certes. Mais elle est aussi autre chose. Une forme que notre être au monde peut prendre et conserver dans sa mémoire vivante. Pour ne pas oublier que nos êtres de chair se nourissent de chair. Et dans ce monde de la "mal-bouffe", il faut aussi prendre soin de ses phantasmes. Pour qu'ils viennent orgueilleusement à la lumière du jour.

samedi 15 août 2009

Un royaume de la conscience

Ce que nous sommes est dans notre esprit, notre coeur et nos mains. Pas dans les livres poussiéreux ni au sein des colloques de sages incapables d'assurer leur propre survie dans un monde hostile.
Le guerrier qui prend la garde haute, la position "di falcone" est prêt. Il n'a pas besoin d'une conscience toute exterieure pour savoir ce qu'il a à faire. De même que l'artiste qui affronte la matière qui resiste à ses efforts mais dont il exprimera tout de même sa sensibilité au monde.
Dieu n'est pas dans les grimoires ou au fond des tabernacles, pas dans les sourates ni dans les prêches du dimanche. Il est dans notre aptitude à faire le bien alors que nous pourrions faire le mal.
Le bien c'est ce qui augmente la vie, le mal c'est ce qui la réduit. Mais chacun possède son propre bien. C'est pour cette raison que l'affrontement appartient au socle de l'existence. Comme l'amour ou le goût du beau.
Notre royaume de la conscience, nous le portons en nous. Libre à nous de le faire venir en pleine lumière.

vendredi 14 août 2009

Eros

Les tenants de l'intelligence sur papier glacé, les mêmes qui grattaient autrefois des velins, ont introduit dans nos vies le règne de l'idée. Lorsque l'on a entre les mains la seule matière des mots, il faut bien se donner l'impression que l'on ordonne quelque chose qui soit difficile afin de justifier le statut social, au dessus des vrais maîtres de la matière, forgerons, charpentiers, imagiers. Mais comme les mots sont compréhensibles (un chat est un chat et un mont de Vénus n'est pas une montagne...) tant que chacun les entend selon leur sens, pour paraître indispensables, les gratteurs de papier mort-né ont introduit le règne des idées. Platon l'a emporté sur Aristote.
Ainsi ont-ils brodé sur l'amour. Etrange mot qui recouvre d'un pli pudique une immensité que nul ne contrôle mais qui ne pouvait rester en l'état de terre gaste. La grande conquête rationalisante s'est appliquée à ce sujet.
Pourtant des jambes en l'air à la tendre caresse affectueuse, de la complicité d'une fratrie à celle d'une communauté, de la passion d'un jour à une vie entière, Eros est à l'oeuvre. Mais il n'est jamais seul. Eros appelle toujours un autre regard, celui d'une déesse.
Mais Eros n'a pas, n'a plus bonne réputation. Ceux qui ont glosé sur l'amour pendant des siècles ont dépouillé la chair pour garder l'esprit. La religion chrétienne( et ses pareilles en monothéïsme), est la seule religion (si c'est une religion, ce qui reste à prouver lorsque toutes les racines et toutes les survivances païennes en sont écartées) qui n'a aucune figure pour celebrer la joie des corps, la joie des fraternités et celle des constructions d'un couple au quotidien. Un mot, le Dieu unique, veut tout dire; donc il ne dit rien. Lorsque tout est blanc plus rien n'est blanc.
Eros est condamné au trottoir. En bas résilles au mieux, en commerce de crudités violentes au pire. Pourquoi ?
Chercher la femme dit le peuple. Cherchez la femme et vous trouverez la réponse.
Le monde chrétien a détruit le statut de la femme de l'ancien monde. Les agacés de la chair craignaient trop sa puissance créatrice et libératrice de toutes les entraves pour la tolerer dans leur monde.
Aujourd'hui, nous payons toujours cette traite sans provision.
Lorsque la femme portera à nouveau à la ceinture les clefs de l'ordre, alors les hommes redeviendront des hommes.
Le règne du "beauf " qui maltraite une femme est directement issu de cette société fondée sur une religion où la femme enfante sans rapport amoureux et où elle reste vierge.
Eros appelle Vénus, Aphrodite, Gaïa, Diane, Artémis, Athéna, Démeter et toutes ces figures qui font que la femme peut être multiple: amante, mère, épouse, guerrière, créatrice, redoutable, douce, maternelle, séduisante, sage et porteuse du seul regard qui peut donner à un homme d'aller au delà de lui même.

dimanche 26 juillet 2009

Anarque

Le monde tente en permanence de nous lier à ses joies et à ses peines. Peu importe qu'elles nous touchent ou pas. Il faut participer. C'est l'important. Consommer, croire, regarder, voter, se scandaliser, s'émouvoir. Impossible de s'échapper.
Pourtant chacun crie à son individualité et à sa richesse personelle. Arguments de vente et plaquettes publicitaires.
Pourquoi ne serai-je pas admis à faire valoir mon droit à l'indifférence ? Ce serait maladroit. La tour d'ivoire est trop aisée à renverser.
Mais pour survivre, j'ai besoin d'air. Seul le regard venu d'une autre rive, qui accepte ce que je suis, est tolérable et même bienvenu. Les autres m'indisposent au point de me rendre nerveux si je ne prend pas soin de barricader mon impertinence ou mon absence d'implication à leurs jeux dérisoires derrière le masque de fer d'un sourire de convivialité à bon marché.
Un médecin de mon âme peut m'apporter la vision des choses qui ouvre grand les portes et les fenêtres mais je choisi mes guerres. Pour le reste, il convient de faire bonne figure et de ne pas prêter aux serments plus que ce qu'ils ne valent. Seul compte celui qui est fait en connaissance de cause et aux mépris des codifications qui font autant de prisons que de victimes consentantes.

"L'anarque est à l'anarchiste ce que le monarque est au monarchiste".

mercredi 22 juillet 2009

Les tasses de thé

Nous passons. Nous entrons. Nous sortons. Une tasse de thé ici ou là. Mais qu'est-ce qui importe davantage ? Le liquide que l'on absorbe ou la façon dont il est servi ?
Toute la différence est dans les mots qui dessinent les gestes : "tenez, voilà une tasse de thé." ou "voulez-vous une tasse de thé ?". Dans un cas tout est fait, dans l'autre tout est à faire. Mais qui se soucie des nuances dans un monde qui ne sait même plus ce qu'est un homme et ce qu'il est capable de réaliser pour peu qu'un regard attentif se pose sur son rêve. Les rêveurs sont seuls, immensément seuls.
Que peut faire une tasse de thé virtuelle ? L'enfer est pavé de bonnes intentions; il y en a plein les rues des souhaits et des voeux de bonheur, plein les rues des mots vides et des "je t'aime" qui sont censés remplacer le geste, les dentelles et la main tendue au matin d'une nuit sans sommeil.
Est-ce qu'il y a un moment où il est trop tard pour les tasses de thé ?
Oui. Lorsque les idéologies ont mangé la vie au nom de la Vie, lorsque la foi a réduit le coeur en poussière au nom de la Foi, lorsqu'Eros est mort, crucifié tête en bas, au nom de l'Amour.
Les mots à majuscule nous tuent, comme nous tuent les tasses de thé proposées mais trop rarement offertes.
Je préfère la bière que je me sers moi-même.

lundi 6 juillet 2009

Un synopsis

C'est assez étonnant. Dans cette vie pour exister il faut s'enfermer ou se cacher. Nous pensons que cela est dû à ce simple fait qu'il n'existe plus de lieu pour espérer passer inaperçu. Il n'y a plus de frontières à conquérir, ni non plus de grands espaces libres de toute présence. Et d'un autre côté le réseau internet peut laisser grandir l'illusion que le monde entier est accessible et qu'il est possible d'être entendu sinon écouté.
Je crois que les hyper-sensibles, dont nous sommes, n'ont comme place que celle de leurs rêves et de leurs pensées. Nous nous heurtons aux pragmatiques et aux raisonneurs d'un côté et aux nécessités existentielles de l'autre. S'en plaindre est aussi vain que de s'en féliciter. Il faut faire avec et admettre alors que de temps à autre la coupe déborde. Nous sommes fatigants pour ceux qui nous entourent parce que nous ne savons pas nous contenter des miettes ou des synopsis; il nous faut l'histoire complète et la totalité du banquet.
Ce qui nous bloque ou nous rend étranger, c'est bien la claire perception de notre présence au monde que nous vivons comme unique; nous ne voulons pas entrer dans les cases toutes faites de l'existence, nos ailes en dépassent ou nous y sommes perdus. Alors nous essayons de composer un visage aimable, un sourire de circonstance mais ce n'est qu'un masque, dont sans doute les autres se contentent mais qui pour nous est comme le manteau empoisonné sur les épaules du héros antique.
Alors nous plongeons tout habillés dans l'océan de nos rêves. Nous laissons les vêtements trop grands ou trop étroits pour y revêtir la nudité de notre être. C'est bien; même si la douleur est au rendez vous de la sortie du bain lustral, nous y aurons puisé ce que nous attendons d'une vie plus riche en couleurs contrastées.
Mais il faut bien admettre, rêveurs impénitents, que le monde tient debout parce qu'il est peuplé de pragmatiques et de raisonneurs. Peut être faudrait-il tenter de lier le rêve et la raison pratique. Alchimie qui donnera naissance au rêveur éveillé.
Les humains les plus "dangereux" comme disait Lawrence.